Article publié sur le site de l’Ecole de pensée sur la guerre économique (EPGE).

Dans une économie toujours plus dématérialisée, la sécurisation des opérations de paiements et la maitrise des données qui y sont liées représentent un enjeu critique pour les entreprises et pour les Etats dans un contexte de guerre économique mondiale. En Europe, l’essor de l’économie numérique et le renforcement des exigences règlementaires (lutte contre la fraude, lutte contre le blanchiment…) ont ainsi conduit à un accroissement sans précédent du volume de données paiement, attirant de nombreux acteurs extra-européens désireux de les exploiter.

Ces données stratégiques particulièrement précieuses, tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif, incluent notamment les données liées au moyen de paiement (numéro de carte bancaire, IBAN…), les données utilisées pour sa sécurisation (codes, données biométriques…) mais également toutes les données liées au contexte de l’opération de paiement (habitudes de consommation, géolocalisation…) et constituent, pour la plupart, des données à caractère personnel protégées par la règlementation française et européenne.

Pourtant, loin de s’en assurer la maitrise, l’Union européenne a préféré privilégier l’ouverture de son marché du numérique et des paiements, offrant de fait aux entreprises de ses rivaux américains et chinois l’opportunité d’y proposer leurs services et d’accaparer les données.

L’ouverture à la concurrence du marché des paiements européen

Victime de ce manque de vision, le marché européen de la carte de paiement est désormais largement dominé par deux acteurs américains, Visa et MasterCard, même si certains concurrents domestiques, comme c’est le cas en France avec le GIE Cartes Bancaires, sont parvenus à leur opposer une certaine résistance. Ces géants américains ont en effet su profiter à merveille de l’absence de vision à moyen et long terme des européens qui ont su se saborder en trois temps :

  • D’abord, l’abandon du projet de système de paiement européen « Monnet » en 2012 en raison de profonds désaccords entre les banques européennes et la Commission européenne.
  • Ensuite, les réformes de la Commission européenne de 2015 visant à libéraliser les services de paiement et le marché de la carte sans la moindre considération pour les enjeux de souveraineté.
  • Enfin, toujours en 2015, la cession de Visa Europe par les établissements financiers européens à l’américain Visa Inc pour des raisons bassement financières.

Conséquence, la grande majorité des paiements par carte effectués par les Européens sont aujourd’hui contrôlés par ces deux acteurs qui n’hésitent pas à transférer les données aux Etats-Unis (et le plus souvent, dans des Etats dont la législation en matière de vie privée n’est pas la plus protectrice).

L’arrivée des big tech sur le marché des paiements européen

Au-delà des acteurs traditionnels du secteur que sont les banques et les systèmes de paiement, une myriade de start-up de la FINTECH et les géants de la « bigtech » (les GAFAM et leurs équivalents chinois, les BATX), entendent eux aussi profiter de ces précieuses données de paiement et de la naïveté européenne.

De fait, certains GAFAM, les plus avides de données, n’ont pas hésité à se rapprocher des acteurs traditionnels du marché. Le Wall Street Journal a ainsi révélé en aout 2018 que Facebook aurait approché de grandes banques américaines afin de récupérer les données bancaires de ses utilisateurs liées à leurs opérations effectuées par carte bancaire et aux soldes de leurs comptes courants. De même, l’agence Bloomberg a révélé en septembre 2018 que Google avait conclu un accord « secret » avec Mastercard afin de suivre les achats réalisés en magasin par les porteurs de carte MasterCard aux Etats-Unis et être en mesure de les lier aux dépenses de publicité en ligne de ses utilisateurs.

Désormais, ces acteurs entendent développer leur wallet (Google Pay, Apple Pay, Facebook Pay…), leur carte de paiement (Google Card, Apple Card…), leur banque en ligne (Amazon Bank, Google Bank…), voire même…leur « cryptomonnaie » (le très controversé projet Diem, ex Libra…) avec pour objectif de collecter le maximum de données de leurs utilisateurs à travers le monde. Evidemment, ces acteurs en profitent eux aussi ensuite pour transférer ces données de paiement vers leurs serveurs aux Etats-Unis.

De son côté, la Chine n’est pas en reste et entend également profiter de la candeur des Européens. Ainsi, UnionPay, le principal système de paiement par carte chinois commence à accélérer son implantation sur notre continent en y développant des partenariats.

Dès lors, la perte de contrôle de l’Europe sur son marché des paiements au profit d’acteurs américains (et demain chinois) engendre des risques de multiples natures et dont les conséquences s’avèrent dramatiques pour l’autonomie stratégique européenne et la souveraineté de ses nations.

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