La crise liée à la pandémie de coronavirus COVID-19 et la double nécessité de désengorger les hôpitaux et de limiter au maximum tout contact physique, y compris avec les professionnels de santé, met plus que jamais en lumière l’importance de la télémédecine.

Cette dernière, en facilitant l’accès de la population à des soins de proximité tout en limitant les dépenses, s’impose désormais non seulement sur le plan médical individuel, mais aussi en tant que composante importante d’une politique globale et efficace de santé publique en complément de la médecine « présentielle ».

Réglementée en France depuis la loi du 21 juillet 2009 dite « HPST » (hôpital, patients, santé et territoires)[1], la télémédecine constitue l’une des deux composantes de la télésanté avec le télésoin[2]. Elle est entrée en 2018 dans le droit commun des pratiques médicales après une période d’expérimentation progressive[3] et son rôle essentiel a été réaffirmé dans le plan santé 2022.

Définie à l’article L6316-1 du Code de la santé publique, la télémédecine constitue une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication et mettant en rapport un professionnel médical avec un ou plusieurs professionnels de santé (médecin, sage-femme, chirurgien-dentiste), entre eux ou avec le patient et, le cas échéant, d’autres professionnels apportant leurs soins au patient.

Attendue par les patients et les professionnels de santé pour les nouvelles opportunités qu’elle offre[4], la télémédecine permet :

  • d’établir un diagnostic,
  • d’assurer, pour un patient à risque, un suivi à visée préventive ou un suivi post-thérapeutique,
  • de requérir un avis spécialisé,
  • de préparer une décision thérapeutique,
  • de prescrire des produits,
  • de prescrire ou de réaliser des prestations ou des actes, ou
  • d’effectuer une surveillance de l’état des patients.

Le décret du 19 octobre 2010[5] modifié en 2018[6] et codifié à l’article R6316-1 du Code de la santé publique définit cinq actes médicaux relevant de la télémédecine et précise les conditions de sa mise en œuvre.

1. Les différents actes de télémédecine

1.1. La téléconsultation

La téléconsultation a vocation à permettre à un professionnel médical (médecin libéral, salarié…) de donner une consultation à distance à un patient. Elle permet de réaliser une évaluation globale du patient, en vue de définir la conduite à tenir à la suite de cette téléconsultation. Bien que tout patient puisse en bénéficier, la pertinence d’une prise en charge à distance plutôt qu’en présentiel reste soumise à l’appréciation du médecin.

Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, la téléconsultation est remboursée par l’assurance maladie comme une consultation médicale classique. L’avenant n° 6 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’Assurance Maladie approuvé par un arrêté du 1er août 2018[7], fixe les tarifs des actes de téléconsultation et précise le cadre de sa mise en œuvre.

Dès lors, afin de pouvoir être remboursée et de garantir la qualité de la prise en charge, la téléconsultation doit être mise en œuvre par vidéotransmission et s’inscrire dans le respect du parcours de soins coordonné[8] :

  • Sauf exception (patient de moins de 16 ans, urgence…), le patient doit être orienté initialement par son médecin traitant.
  • De même, le patient doit être connu du médecin téléconsultant et avoir bénéficié d’une consultation physique au cours des 12 mois précédant la téléconsultation, sauf à ce qu’il ne dispose pas de médecin traitant désigné ou que ce dernier ne soit pas disponible.

Toutefois, afin de ralentir la circulation du coronavirus COVID-19 et les risques de contamination, le gouvernement a décidé d’assouplir les conditions d’exercices téléconsultations. Le décret du 9 mars 2020[9] prévoient ainsi que les personnes qui suspectent d’être infectées par le COVID-19 peuvent solliciter n’importe quel médecin et être pris en charge, dès lors qu’elles privilégient un praticien de leur territoire.

Par ailleurs, dans le cadre du plan quinquennal de lutte contre les déserts médicaux lancé le 13 octobre 2017, tous les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) en zone de faible accessibilité devront être équipés d’un matériel de téléconsultation d’ici 2020.

Le gouvernement, dans ses projections budgétaires, mise sur 1 million d’actes de téléconsultation en 2020 et 1,3 million en 2021.

1.2. La téléexpertise

La téléexpertise permet à un professionnel médical de solliciter à distance l’avis d’un ou de plusieurs professionnels médicaux. Le médecin consulté en téléexpertise n’est donc pas en contact avec le patient.

La téléexpertise est remboursée par l’assurance maladie depuis février 2019. L’avenant n° 6 à la convention nationale, approuvé par un arrêté du 1er août 2018, fixe les tarifs des actes de téléexpertise et prévoit le cadre de sa mise en œuvre, notamment en matière de confidentialité, de protection des données personnelles et de sécurité.

1.3. La télésurveillance médicale

La télésurveillance médicale permet à un professionnel médical d’interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d’un patient et, le cas échéant, de prendre des décisions relatives à la prise en charge de ce dernier. L’enregistrement et la transmission des données peuvent être réalisés de manière automatisée ou manuellement par le patient ou un professionnel de santé.

Les autorités françaises ont mis en place une expérimentation « ETAPES » visant à encourager et soutenir financièrement le déploiement de projets de télésurveillance cohérents et pertinents sur l’ensemble du territoire. Initialement prévue dans 9 régions à compter du 1er janvier 2014, ces expérimentations ont par la suite été étendues à l’ensemble du territoire en 2017. L’article 54 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a reconduit l’expérimentation ETAPES pour une durée de 4 ans et en a profité pour l’élargir à de nouveaux profils de patients.

Les conditions de mise en œuvre de ces expérimentations de télésurveillance sont définies par des cahiers des charges[10].

1.4. La téléassistance médicale

La téléassistance médicale est un processus d’entraide entre professionnels de santé lors d’un acte médical. Elle permet à un professionnel médical d’assister à distance un autre professionnel de santé au cours de la réalisation d’un acte médical.

1.5. La régulation médicale

La régulation médicale est la réponse médicale apportée dans le cadre de l’activité des centres 15 (réponse médicale par les services de secours, face à une situation donnée, via un centre de réception et de régulation des appels téléphoniques).

2. Les conditions générales de mises en œuvre de la télémédecine

Les articles R6316-2 et suivants du Code de la santé publique fixent les conditions générales de mise en œuvre de la télémédecine.

2.1. Le contrôle par le patient des actes de télémédecine

Le Code de la santé publique prévoit que le patient puisse conserver le contrôle sur les actes de télémédecine réalisés le concernant. En effet :

  • Son consentement libre et éclairé est nécessaire préalablement à la réalisation de tout acte médical. Le patient doit ainsi être informée de son état de santé et doit pouvoir, lorsqu’il consent à un acte médical, retirer ce consentement à tout moment.
  • Lorsque la situation l’impose, le patient doit être formé ou préparé à l’utilisation du dispositif de télémédecine.
  • Le patient peut, en outre, s’opposer à ce que des informations le concernant soient échangées entre les différents professionnels participant à l’acte de télémédecine.

2.2. Sécurité et confidentialité des échanges

Par ailleurs, l’article R6316-3 du Code de la santé publique impose à chaque acte de télémédecine d’être réalisé dans des conditions garantissant :

  • L’authentification des professionnels de santé intervenant dans l’acte. Cette authentification est essentielle dans la mesure ou l’accès des professionnels de santé aux données médicales du patient nécessaires à la réalisation de l’acte doit leur être garanti. Il existe différents dispositifs possibles d’authentification (mot de passe, carte à puce, OTP SMS etc), ces derniers étant qualifiés de fort lorsqu’ils combinent au moins deux facteurs d’authentification.
  • L’identification du patient, essentielle étant donné que l’acte de télémédecine doit ensuite être documenté dans le dossier du patient tenu par chaque professionnel médical intervenant ainsi que dans la fiche d’observation du patient (compte rendu de la réalisation de l’acte, éventuels incidents, prescriptions médicamenteuses…). Chaque utilisateur du dispositif de télémédecine doit recevoir un identifiant unique, les partages de comptes étant proscrits.

De plus, si le dispositif de télémédecine implique une externalisation, les conditions de sécurité prévues en matière d’hébergement des données de santé par l’article L. 1111-8 du code de la santé publique devront être respectées.

Par ailleurs, afin de garantir l’échange, le partage, la sécurité et la confidentialité des données de santé, les organismes et les professionnels de santé recourant à des solutions de télémédecine[11] sont tenus de s’assurer que l’usage de ces dernières soit conforme aux référentiels d’interopérabilité et de sécurité élaborés par l’Agence du numérique en santé (ANS) en concertation avec les représentants des principaux acteurs de la santé. Ces référentiels d’interopérabilité et de sécurité (publiés sur le site de l’ANS) prévoient les modalités de traitement de ces données, leur conservation sur support informatique et leur transmission par voie électronique.

Cependant, afin de ralentir la circulation du coronavirus, le gouvernement a décidé d’assouplir les conditions d’exercices de la télémédecine. Le décret du 9 mars 2020[12] prévoit ainsi que les téléconsultations « peuvent être réalisées en utilisant n’importe lequel des moyens technologiques actuellement disponibles pour réaliser une vidéotransmission (lieu dédié équipé mais aussi site ou application sécurisé via un ordinateur, une tablette ou un smartphone, équipé d’une webcam et relié à internet) ».

Les patients ne sont donc plus tenus de passer par des plateformes de téléconsultation spécialisées (Doctolib, CompuGroup Medical, Qare…) intégrant en principe l’ensemble du parcours du patient, de la prise de rendez-vous au paiement, en passant par l’acte médical par vidéoconférence, les correspondances par messagerie sécurisée et le stockage sécurisé des données personnelles et documents médicaux. Ils peuvent désormais recourir à des solutions telles que WhatsApp ou FaceTime, bien que celles-ci ne présentent pas les mêmes garanties de sécurité, de confidentialité et d’interopérabilité.

2.3. Protection des données de santé à caractère personnel

Enfin, les traitements de données de santé réalisés dans le cadre d’un acte de télémédecine doivent être réalisés conformément à la règlementation applicable en matière de protection des données à caractère personnel.

L’article 4.15 du RGPD[13] définit les données (à caractère personnel) concernant la santé comme des « données à caractère personnel relatives à la santé physique ou mentale d’une personne physique, y compris la prestation de services de soins de santé, qui révèlent des informations sur l’état de santé de cette personne ». En application de l’article 9 du RGPD, ces données constituent en outre des catégories particulières de données à caractère personnel dîtes « sensibles » et sont, à ce titre, soumise à un régime spécifique et dont le traitement est étroitement contrôlé (principe d’interdiction de leur traitement assorti d’exceptions encadrées).

Par ailleurs, conformément à l’article 87 du RGPD et l’article 30 de la Loi informatique et libertés[14], le traitement du numéro d’inscription des personnes (NIR), également appelé « numéro de sécurité sociale », est lui aussi soumis à une régime spécifique. Or, les opérations liées à la facturation et à la prise en charge financière de dépenses relatives aux actes de télémédecine ont été autorisés par un décret du 19 avril 2019[15] (sous réserve de respecter la règlementation applicable au traitement du NIR).

Les dispositions applicables au traitement de données de santé à caractère personnel et du NIR feront l’objet d’un prochain article distinct.

En effet, le traitement de ce type de données mérite une attention toute particulière, d’autant plus que la CNIL, dans sa stratégie de contrôle pour 2020 a qualifié les données de santé de prioritaires et a fait part de son intention de s’intéresser plus particulièrement aux mesures de sécurité mises en œuvre par les professionnels de santé ou pour leur compte.

L’actualité récente en matière de santé (télémédecine, objets de santé connectés, violations de données personnelles au sein d’établissements publics…) démontre plus que jamais l’attention qui doit être portée à la sécurité de ces traitements de santé…

Alexandre Mandil


[1] Article 78 de la LOI n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires modifiée par la LOI n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé

[2] Le télésoin est une forme de pratique de soins à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication. Il met en rapport un patient avec un ou plusieurs pharmaciens ou auxiliaires médicaux.

[3] L’article 36 de la loi n°2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 a prévu des expérimentations sur le déploiement de la télémédecine en ville et dans les structures médico-sociales pour une durée de quatre ans dans des régions pilotes. Ces expérimentations ont été étendues en 2017 à l’ensemble du territoire et aux établissements de santé avant d’entrer en 2018 dans le droit commun des pratiques médicales.

[4] 85% des médecins généralistes et 72% des patients estiment que la télémédecine est une tendance médicale de fond.

[5] Décret n° 2010-1229 du 19 octobre 2010 relatif à la télémédecine

[6] Décret n° 2018-788 du 13 septembre 2018 relatif aux modalités de mise en œuvre des activités de télémédecine

[7] Arrêté du 1er août 2018 portant approbation de l’avenant n° 6 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 25 août 2016

[8] Le parcours de soins coordonnés, institué par la loi du 13 août 2004, a pour objectifs de faire bénéficier chaque usager d’un suivi médical coordonné, d’une gestion rigoureuse du dossier médical et d’une prévention personnalisée.

[9] Décret no 2020-227 du 9 mars 2020 adaptant les conditions du bénéfice des prestations en espèces d’assurance maladie et de prise en charge des actes de télémédecine pour les personnes exposées au covid-19

[10] Arrêté du 11 octobre 2018 portant cahiers des charges des expérimentations relatives à la prise en charge par télésurveillance mises en œuvre sur le fondement de l’article 54 de la loi no 2017-1836 de financement de la sécurité sociale pour 2018

[11] Article R6316-10 du Code de la santé publique

[12] Décret no 2020-227 du 9 mars 2020 adaptant les conditions du bénéfice des prestations en espèces d’assurance maladie et de prise en charge des actes de télémédecine pour les personnes exposées au covid-19

[13] Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données

[14] Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés

[15] Décret no 2019-341 du 19 avril 2019 relatif à la mise en œuvre de traitements comportant l’usage du numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques ou nécessitant la consultation de ce répertoire

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