Le commerce électronique est l’un des principaux moteurs de la croissance dans l’Union européenne. La valeur du commerce électronique de détail dans l’UE a augmenté de 13,4 % entre 2013 et 2014, pour atteindre un total de 370 milliards d’EUR. Le chiffre d’affaires que les entreprises tirent du commerce électronique de détail, exprimé en pourcentage du chiffre d’affaires total du commerce de détail, a progressé de 85 % entre 2009 et 2014, ce qui montre que le commerce de détail croît beaucoup plus vite en ligne que hors ligne.

La directive européenne « sur le commerce électronique » a été adoptée le 8 juin 2000, donnant lieu à une transposition en droit français avec la loi du 21 juin 2004 « pour la confiance dans l’économie numérique ». Le but de la directive était de supprimer les obstacles aux services transfrontaliers en ligne dans l’Union européenne et de fournir une sécurité juridique aux entreprises et aux citoyens dans les transactions transfrontalières en ligne.

La directive a instauré des règles harmonisées en matière de transparence et d’obligation d’information pour les fournisseurs de services en ligne, en matière de communications commerciales, de contrats électroniques et a posé les limites de la responsabilité des intermédiaires. Elle améliore également la coopération administrative entre les États membres et le rôle de l’autorégulation.

Toutefois, la part du commerce électronique dans l’ensemble du secteur du commerce de détail reste nettement plus faible en Europe qu’aux États-Unis et la croissance du commerce électronique transfrontalier demeure assez lente, en tout cas bien inférieure aux objectifs que s’était fixés la commission. 50% des consommateurs européens ont déjà acheté en ligne, mais seulement 15% ont effectué des achats en ligne dans un autre État membre que le leur.

Les principales raisons qui bloquent le commerce électronique transfrontalier sont :

  • La peur de la fraude et des problèmes de livraison ;
  • Les disparités de langue ;
  • Les blocages géographiques qui permettent d’« empêcher les consommateurs d’accéder à un site internet sur la base de leur localisation» et qui souvent entraine une redirection vers un site de leur pays affichant des prix de vente différents. Cette question constitue l’un des seize points d’action de la Stratégie pour le Marché numérique unique en Europe.

Dans ce contexte, et afin d’évaluer l’efficacité des règles européennes dans un contexte d’essor du commerce électronique, la Commission a lancé en mai 2015 une enquête sectorielle sur la concurrence dans le secteur du commerce électronique dans l’UE, conformément à l’article 17 du règlement n°1/2003 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence. L’enquête sectorielle s’est concentrée sur les produits et services dans lesquels le commerce électronique est le plus répandu, comme l’électronique, des vêtements et des chaussures, ainsi que le contenu numérique.

Elle a notamment concerné les cas où les clients se voient facturer des prix différents ou proposer une gamme différente de produits selon l’endroit où ils vivent.

Dans ce cadre, la Commission a lancé deux consultations publiques le 24 septembre 2015 sur la directive de 2000/31:

  • La première concerne l’environnement réglementaire des plates-formes, le renforcement de la responsabilité des intermédiaires techniques et l’économie collaborative. Le principe actuel est en effet que les intermédiaires qui font office de “simple transport” (art. 12), ou les hébergeurs passifs (art. 14) qui n’interviennent pas dans la sélection ou la création du contenu hébergé bénéficient d’un régime d’immunité pour l’utilisation faite de leurs services par les clients. C’est uniquement s’ils n’agissent pas “promptement” pour retirer ou empêcher l’accès à un contenu illicite qui leur a été notifié que les hébergeurs peuvent être tenus pour responsables, ce qui n’empêche pas les tribunaux ou les administrations d’exiger des mesures préventives pour empêcher des violations de droits. Or les ayants droit et certains gouvernements veulent accentuer la responsabilité directe des intermédiaires et renforcer leurs obligations en matière de police privée. Actuellement la directive E-Commerce de 2000 entretient une forte ambiguïté sur ce qui peut être demandé aux entreprises sur internet puisqu’un côté, l’article 15 fait interdiction aux états membres d’imposer aux intermédiaires techniques une “obligation générale de surveiller (…) ou de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites”. Mais de l’autre, le considérant 48 de cette même directive dit que les États peuvent exiger des hébergeurs qu’ils agissent “avec précautions” pour “détecter et empêcher certains types d’activités illicites”. Il y a là une contradiction flagrante qui tend à profiter de plus en plus au considérant 48 plutôt qu’à l’article 15, ce que la Commission souhaite trancher.

La commission propose de créer un statut de « plateforme en ligne » : ces plateformes seraient soumises à des règles spécifiques à leur activité, concernant par exemple la transparence des informations affichées et leur provenance, la lisibilité de leurs contrats, l’exploitation des données personnelles, ou leur responsabilité à l’égard de tiers qui dépendent de la pérennité de leurs services (par exemple une API).

  • La seconde concerne le géoblocage et autre discrimination géographique au sein de l’union. Elle a été clôturée le 28 décembre 2015. Elle couvre, par exemple, les clients qui doivent s’acquitter de prix différents ou offerts une autre gamme de produits en fonction de l’endroit où ils vivent.

C’est pourquoi l’objectif de la consultation était de recueillir des preuves, des témoignages et des opinions au sujet des restrictions rencontrées par les utilisateurs, les consommateurs et les entreprises en matière de commerce en ligne transfrontière au sein de l’Union européenne.

Les réponses de plus de 433 détaillants et fournisseurs de contenus numériques de l’ensemble des 28 États membres de l’UE montrent que le géoblocage est commun dans l’UE pour les biens de consommation (électronique, logiciels, jeux, produits de santé, vêtements…) et de contenu numérique (films, musiques, informations…).

Les méthodes de géoblocage

38% des détaillants participants ont déclaré qu’ils recueillent ces données et l’utiliser à des fins géoblocage. Ils le font la plupart du temps en vérifiant l’adresse IP des utilisateurs qui identifient la localisation géographique d’un ordinateur ou d’un smartphone. Ils peuvent également utiliser les informations des cartes de crédit ou l’adresse renseignée par le client.

En pratique, le blocage interviendra notamment de la manière suivante:

  • Blocage de l’accès aux sites pour les utilisateurs résidant dans un autre État membre ou possédant la nationalité d’un autre État membre;
  • Blocage de la commande
  • Refus de la livraison ou de l’expédition à transfrontière;
  • Prix et conditions générales de vente selon la nationalité, le pays de résidence ou l’emplacement du client.

Les résultats de cette consultation, publiés en mars 2016, ont permis d’identifier de vraies attentes des consommateurs qui se sont prononcés à plus de 90% en faveur d’une accessibilité de l’achat de biens et de services partout dans l’Union européenne et qui voient donc le géoblocage comme un obstacle majeur au développement du commerce électronique en Europe.

Les entreprises, quant à elle, partagent largement l’idée que le géoblocking constitue une discrimination qui entrave le choix des consommateurs et la concurrence de manière importante.
Toutefois, les entreprises insistent sur le respect de la liberté contractuelle et le droit des entreprises de ne pas développer leurs activités dans certains États membres. Beaucoup d’entre elles sont fortement opposées à une législation qui exigerait des commerçants de vendre et de livrer des marchandises en dehors des zones où ils devraient normalement faire des affaires et les fournisseurs invoquent notamment la liberté de choisir leur partenaire commercial.

La commission européenne a annoncé qu’elle intègrera les résultats de cette consultation dans le cadre d’un paquet législatif prévu pour la mi-2016 et destiné à stimuler le commerce électronique. Il devrait notamment conduire à une révision de la directive (2000/31/EC).

Les origines du géoblocage

Les premiers résultats suggèrent que le géoblocage est largement répandu dans toute l’UE et à des origines diverses:

  • Le blocage géographique lié à des accords conclus entre fournisseurs et distributeurs: sont susceptibles de restreindre la concurrence sur le marché unique, en violation des règles de l’UE en matière d’ententes. Nécessite une appréciation au cas par cas.

S’agissant du commerce de contenu numérique, les blocages ont surtout pour origine des accords contractuels conclus par les fournisseurs avec les distributeurs. La majorité des fournisseurs (68%) ont déclaré pratiquer le blocage géographique des utilisateurs situés dans d’autres États membres de l’UE. Ces problématiques se posent d’autant plus s’agissant du domaine audiovisuel. Les films, les séries, les chaînes de télévision font effectivement l’objet d’un géoblocage important.

  • Le blocage géographique reposant sur des décisions commerciales prises unilatéralement par une entreprise, qui a décidé de ne pas écouler ses produits ou services à l’étranger. En 2015, une enquête a révélé que plus de 50% des détaillants en ligne ne vendent pas dans d’autres pays.

En ce qui concerne les biens de consommation, le géoblocage est principalement basé sur des décisions commerciales unilatérales des détaillants. Les entreprises invoquent la disparité des taux de TVA, les réglementations divergentes, les législations de protection des consommateurs, les législations applicables en matière de droit d’auteur, les restrictions en matière de licence, les coûts de livraison et les frais de recyclage. Les entreprises citent également la volonté de ne pas complexifier leurs activités en évitant à la fois les différentes bureaucraties et les litiges. Enfin des entreprises indiquent vouloir préférer demeurer proches de leurs consommateurs. Il est donc  intéressant de constater que certaines entreprises considèrent le géoblocage comme favorable au consommateur.

Les actions de la commission européenne

La commission considère que le blocage géographique est, dans la plupart des cas injustifié, et est utilisé pour des raisons commerciales. Il a pour conséquence d’entraîner une hausse des prix et limite le choix des consommateurs.

Principe de non-discrimination de l’article 20 de la directive sur les services de 2006 (2006/123 / CE) dispose que « Les États membres veillent à ce que les conditions générales d’accès à un service, qui sont mises à la disposition du public par le prestataire, ne contiennent pas des conditions discriminatoires en raison de la nationalité ou du lieu de résidence du destinataire, sans que cela ne porte atteinte à la possibilité de prévoir des différences dans les conditions d’accès lorsque ces conditions sont directement justifiées par des critères objectifs. ».

C’est pourquoi elle entend lutter de manière différente contre ces types de blocage:

Les accords entre fournisseurs et distributeurs

Dans le premier cas (accords entre fournisseurs et distributeurs), elle entend ouvrir des enquêtes au cas par cas sur les pratiques commerciales restrictives et abus de position dominante sur le marché (articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne – TFUE). Objectif est de limiter les contrats imposés par les fournisseurs à leurs distributeurs qui imposent :

  • redirection obligatoire d’un internaute vers une page dans la langue de son pays de connexion,
  • Livraison limitée à un État membre
  • Refus des paiements provenant de certains pays de l’UE,
  • Prix différents en fonction du pouvoir d’achat moyen dans le pays de connexion, etc.

Cela nécessite une évaluation au cas par cas et une analyse des justifications possibles pour les restrictions qui ont été identifiées.

Les blocages unilatéraux

S’agissant des géoblocages conséquences d’une volonté unilatérale des entreprises de ne pas vendre dans un autre État membre, un tel comportement de la part d’une entreprise non dominante sort du cadre du droit de l’UE en matière de concurrence. C’est pourquoi la Commission européenne propose huit actions destinées à inciter les entreprises à développer leurs activités dans les différents États membres. On retrouve en première ligne la volonté d’« harmoniser les règles de l’Union européenne concernant les contrats et la protection des consommateurs lors d’achats de biens physiques ou de contenus numériques » ainsi que la volonté de rendre les services de livraison de colis « plus efficaces et moins onéreux ».

Le 9 décembre 2015, les autorités européennes ont notamment présenté deux propositions de directive  du Parlement européen et du Conseil:

  • La première concerne certains aspects des contrats de ventes en ligne et de tout autres ventes à distance de bien.
  • Le second concerne certains aspects des contrats de fourniture de contenu numérique : définition large: films téléchargés ou diffusés en continu, stockage en nuage, réseaux sociaux ou encore les fichiers de modélisation pour l’impression en 3D.

Elles doivent notamment réviser la directive 1999/44/CE du 25 mai 1999 dont la mise en œuvre par les États membres s’est soldée par d’importantes différences entre les règles nationales obligatoires en matière de protection des consommateurs.

En effet, les États membres sont allés bien souvent au de la des directives d’harmonisation minimale de l’Union. La directive prévoyait par exemple la possibilité donnée aux États membres d’obliger le consommateur (sous peine de perdre son droit au dédommagement) à informer le vendeur du défaut dans un délai de deux mois à compter de sa constatation. Seuls douze États membres ont adopté cette règle, ce qui n’est pas le cas de la France.

C’est pourquoi ces directives entendent fournir pour les contrats de vente en ligne un ensemble de règles impératives totalement harmonisées. Notamment en donnant la priorité au remplacement ou à la réparation d’un produit non conforme plutôt qu’à la résiliation du contrat.

L’objectif est donc double:

  • Elles permettraient, d’une part, aux consommateurs de bénéficier d’un niveau de protection plus élevé et d’un plus large choix de produits à des prix plus compétitifs, en renversant la charge de la preuve en cas de demande de dédommagement et en prévoyant des droits clairs et précis pour les contenus numériques.
  • Elles mettraient, d’autre part, les entreprises en mesure de fournir des contenus numériques et de vendre des biens en ligne aux consommateurs de toute l’Union grâce à des règles contractuelles harmonisées.

On voit donc une volonté de la Commission, du Parlement et du Conseil européen de simplifier et d’harmoniser le cadre juridique en matière de commerce électronique afin de lever tous les obstacles à son développement dans l’Union européenne.

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